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Atelier d’arts plastiques et d’écriture :
14. Mirocollages : une entrée dans MIRÒ
Article mis en ligne le 1996
dernière modification le 26 juillet 2020

par Maryanne Goderniaux

Entrées :

  • Arts plastiques : collages. Produire plastiquement pour lire l’oeuvre du peintre.
  • Ecriture : anticipation, reconstruction
  • Références : questionnement sur Mirò le Calatan. Invente-moi un Mirò.
  • Education Nouvelle : lire, c’est reconstruire mentalement.

1. Phase d’émergence

1.1 Fresque collective [1]

1.2 Exploration plastique
Avec du matériel de récupération mis à disposition (papiers, ficelles, clous, bouts de bois, tissus...) explorer plastiquement seul ou en groupe l’un des mots suivants : forme, volume, couleur, ombre et lumière, lignes et structures.

Temps : 5 min.

2. Phase de déstructuration

2.1. Lecture orale d’un texte décrivant un tableau de Mirò (texte de Jacques Lassaigne [2])
Consigne : pendant la lecture, prélever des mots, des fragments qui font sens.

2.2. Travaillez sur l’axe idéel et matériel [3] 3 mots prélevés dans votre liste
Les noter sur une feuille.

2.3 Présenter en expansion et plastiquement sur 3 feuilles différentes ces 3 mots.

Temps : 10 minutes

2.4. Exposer toutes les réalisations plastiques
Chaque participant présente brièvement chacune de ses réalisations.
Aucun commentaire ne sera fait sur les réalisations.

3. Phase de reconstruction

3.1. Réaliser seul(e) ou en groupe un collage
qui transcode le texte donné de Lassaigne à l’aide de matériaux nouveaux,
ou en négociant silencieusement des morceaux d’oeuvre qu’on élit chez les autres dans les réalisations des phases 1 et 2.

Temps : 20 min.

Consigne stricte : en silence ; aucun mot ne sera échangé lors du travail.

Pendant ce travail, écrire ce qui passe par la tête : écriture dite d’accompagnement.

3.2. Présentation de tous les collages
Les collages sont affichés pour permettre la socialisation.
Aucun commentaire ne sera fait sur ceux-ci.

3.3. Écrire un texte individuel dont le titre sera "Collage" après recherche idéelle/matérielle sur ce mot en utilisant éventuellement les textes-récits induits par les productions de l’atelier précédent [4] .

3.4. Socialisation de tous les écrits
Chacun lit au groupe son texte.

3.5 Présentation du tableau "Le carnaval d’Arlequin" de Mirò.

3.6 On écrit un texte :"sur le même et l’autre".

4. Discussion sur le ressenti de l’atelier et liste des outils employés.

VALEURS ET ENJEUX VÉHICULES
LORS DE DIFFÉRENTES PHASES DE L’ATELIER

L’exploration plastique permet à chaque participant de laisser une trace plastique donc la marque de leur individu, de leur rapport au monde plastique. Personne n’existe seul.

Toute personne n’existe que parce qu’elle a un rapport aux autres et au monde. Donc, elle commence par laisser une trace qui montre son rapport au monde.

La réalisation plastique peut être conflictuelle parce que chacun peut - par une négociation silencieuse - choisir et obtenir quelque chose de la production plastique des autres, éventuellement en démonter une partie...
C’est important d’accepter que l’autre vienne chez soi. Certains peuvent le vivre comme une cassure, une déchirure. Le plus important n’est pas d’aller prendre chez l’autre, mais de donner une part de soi... C’est là l’importance de la négociation.
Du collage au travail de groupe, se jouent des conflits, productifs ou destructeurs. Pour une discussion de ce point, voir la "Vous avez dit pillage - lettre à une amie" de Michel Simonis5 .

Sans l’apport des autres, on ne peut créer.

Tout est soudain remis en question, parce qu’il y a quelqu’un qui s’en est servi, qui a tout à fait le droit d’intervenir et qui brise un ordre qui paraissait immuable.
L’avenir n’est fait que de ruptures, qui cassent, recassent et qui construisent.

Chacun est acteur de sa création. Chaque participant a envie de faire quelque chose. Il a un projet. Mais ce qu’il rencontre ne va pas forcément avec son projet.
Il y a des accidents et donc il est obligé de se remettre peu ou prou en question. Ou il refuse ce fragment qu’il a rencontré, ou il l’accepte, et il lui fait modifier son projet, légèrement ou complètement.

Entrer dans l’écriture plastique, c’est rencontrer les autres.

L’écriture d’accompagnement permet de percevoir que la création ne peut pas être vierge de l’apport des autres. On ne peut pas créer plastiquement seul. Dans l’atelier, il a fallu que les autres interviennent pour que la réalisation s’enrichisse.
Cette réalisation est l’aboutissement de la rencontre.

L’obligation rigoureuse de ne pas communiquer verbalement lors de la réalisation est une consigne facilitatrice de la communication plastique.

La réalisation finale permet de voir plastiquement les ruptures qui se sont construites et harmonisées.

Maryanne GODERNIAUX,
et, en amont, Marie-Jeanne FICHOT
sur la base d’une démarche
du GFEN-Provence

Pour plus d’information en vue d’animer cette démarche, adressez-vous à Maryanne Goderniaux ou à Marie-Jeanne Fichot.

Un drôle d’homme, c’est Miro. Bien des choses dans sa peinture rappellent ce qui n’est pas peint : il fait des tableaux sur des toiles de couleur, et y peint une tache blanche, comme si là, il n’avait pas peint et que la toile fût la peinture. Il dessine exprès la trace du châssis dans le tableau, comme si le châssis avait porté à faux sur la toile. Il est arrivé tout naturellement l’année dernière à ne plus rien faire d’autre que des collages, qui sont plus voisins des collages de Picasso et des tableaux de Mirò que de toute autre chose. Le papier n’y est généralement pas absolument collé : ses bords sont libres, il ondule et flotte. Le bitume est un des éléments préférés de Mirò en 1929.

Texte de stagiaire

Collage

Col âge
Col blanc, col bleu
Peintre aux odeurs d’unité
Se trouva soudain dans le sillage
Des odeurs poisseuses de réglage de moteurs.
Son nez pris d’un blocage adipeux
Se mit à frémir dans des coloris si variés
Que Col Age en fut surpris et se mit à tousser.
Ce déblocage subi de son appendice
Provoqua un réglage instantané.
Il retrouva dans son atelier
Où son pouvoir d’images odoriférantes
Se décupla et provoqua dans les journées
Qui suivirent une production extraordinaire
de tableaux.

La composition extrêmement complexe sans jamais donner l’impression de surcharge est organisée très simplement autour du personnage central joueur de guitare. Le mince axe de son corps que double une spirale blanche traverse verticalement en son milieu la toile qui est partagée horizontalement par le double mouvement de la ligne de jonction sol-muraille et du bras du personnage qui s’achève en une main énorme. Cette intersection pourtant deux fois marquée reste assez réservée pour ne rien trancher mais au contraire unir. L’autre élément de construction est l’échelle à gauche qui vient jusqu’au premier plan et vers laquelle s’oriente une série de diagonales tout aussi sobrement indiquées. Sur ce schéma qui divise régulièrement la surface prend place toute une série de petites figures prodigieusement animées, non plus isolées dans leur contexte mais reliées entre elles de mille façons et prenant parti (les chats avec leur pelote de laine, les papillons joueurs, les petites larves volantes qui tendent les bras), Leurs gestes d’automates sont accentués (le papillon sort de sa boite comme un diable, un ressort soutient le personnage central). Les couleurs jouent un rôle important dans l’équilibre et la lisibilité des formes. Elles se détachent sur le fond un peu mouvant et incertain du sol et de la muraille avec une netteté et un modelé qui accentuent les volumes. Elles aussi se répartissent et se divisent sans qu’aucune ne l’emporte, l’accent étant seulement donné par ce bleu cher à Miro qui reparait en plans plus ou moins soutenus et développés à divers points choisis : la table, le ciel par la fenêtre, la queue de la comète, les ailes des papillons, et qui est comme une note plus grave, une pause dans l’agitation générale. Et Arlequin, me direz-vous ? Il est dans le coin gauche, à mi-hauteur, seul élément un peu statique dans cette fête incroyablement animée qu’il contemple d’un oeil calme. Malgré ses attributs comiques, son chapeau caractéristique, sa longue pipe à panache, sa moustache relevée, il reste triste. C’est le paysan catalan ou peut-être, avec sa grosse tête ronde, Mirò lui-même en spectateur, donateur de ce grand tableau primitif d’aujourd’hui.

_ MIRÒ, Jacques Lassaigne (Editions SKIRA)