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Repenser l’école dans l’intérêt des élève
Bernard De Vos, Délégué général de la Communauté française aux droits de l’enfant.
Article mis en ligne le 24 mars 2011

Nombreux sont les enfants qui traversent dans la douleur leurs années d’école. C’est l’idée même du vivre ensemble qui est lourdement menacée. Une opinion de Bernard De Vos, Délégué général de la Communauté française aux droits de l’enfant.

http://www.lalibre.be/article_print.phtml?art_id=648368

C’est un fait : l’école est inégalitaire et ne permet plus aux enfants des classes populaires d’espérer, grâce à elle, dépasser le statut et le niveau de vie socio-économique de leurs parents. Le rapport du délégué général aux droits de l’enfant relatif aux conséquences de la pauvreté sur les enfants, les jeunes et les familles, présenté au parlement de la Communauté française en 2010, l’a montré au travers de témoignages édifiants : l’ascenseur social est en panne !

Faut-il en conclure pour autant que pour les autres enfants, dont les parents ne connaissent ni la pauvreté, ni la précarité, l’école constitue un lieu d’épanouissement ? Les nombreux indicateurs dont nous disposons, à commencer par les plaintes en nette augmentation qui sont adressées au délégué général, révèlent une réalité bien sombre : nombreux sont les enfants qui, bien que nés dans des familles dont le niveau de vie n’est pas inquiétant, traversent dans la douleur leurs années d’école. Certains y laissent bien plus que leurs illusions : phobie scolaire, dépression, décrochage, dévalorisation personnelle sont devenus, au cours de cette dernière décennie, le nouvel étalon de mesure du malaise de l’école.

Cette situation alarmante, bien connue de tous, femmes et hommes politiques, responsables administratifs ou universitaires n’est même plus contestée. Les légères ondulations des courbes des enquêtes PISA, parfois même à la hausse, ne parviennent plus à apaiser ce terrible constat : l’inégalité de notre enseignement est telle que nos meilleurs élèves obtiennent des résultats supérieurs à ceux obtenus par les élèves des nations phares, alors que nos "cancres" n’arrivent pas à rivaliser avec les élèves des républiques bananières !

Mais ce que l’on feint d’ignorer c’est que cette situation déplorable n’affecte pas uniquement celles et ceux qui souffrent des affres de la ségrégation, de la disqualification ou de la relégation scolaire. En réalité, l’ensemble des acteurs scolaires, jeunes et adultes, sont touchés par cette profonde injustice alors même qu’ils n’en sont pas directement

victimes. A l’heure où des nations, jusqu’ici dociles, se soulèvent pour renverser les dictatures, la situation scolaire de notre Communauté fait injure à l’idée même de démocratie.

Peut-on croire, même s’ils n’en disent mot, même s’ils s’en défendent, que les jeunes privilégiés par le système ne se posent aucune question lorsqu’ils voient leurs congénères trébucher dans les ornières (sélection, redoublement, relégation, etc.) qui semblent parfois n’avoir été creusées qu’à cet effet ? Et que penser de l’état d’esprit des professeurs dont les enseignements (histoire, géographie, langues de culture, etc.) renvoient bien souvent à des idéaux aux antipodes de leurs réalités quotidiennes ?

Il ne s’agit plus aujourd’hui d’affiner les constats ni de tenter de démêler les causes des conséquences. Ne rien changer à la situation dans laquelle se trouvent nos écoles aura des conséquences bien plus lourdes que des trajectoires individuelles malmenées : c’est l’idée même du vivre ensemble qui est lourdement menacée. Ne pas agir immédiatement, c’est nous condamner à nous tourner mutuellement le dos.

L’explosion démographique que connaissent plusieurs centres urbains (et notamment Bruxelles) nous conduira, dans les années à venir, à créer plusieurs centaines de classes dans les différents niveaux d’enseignement. Si nous pouvons concevoir, sans l’accepter pleinement toutefois, que l’école ne peut pas lisser sans attendre des mauvais plis qu’elle repasse depuis des années, nous ne pouvons accepter que ces nouvelles classes n’intègrent pas les éléments constitutifs d’une école réellement démocratique et offrant des chances de réussite à chacun(e).

Puisque, contre toute attente, la principale préoccupation du gouvernement semble être la répartition de ces nouvelles classes entre les différents réseaux qui organisent notre enseignement, permettons-nous de rappeler en quatre points ce qui, selon nous, devrait être prépondérant et constituer la priorité du débat actuel.

Ces nouvelles classes doivent valoriser la solidarité plutôt que la compétition encore bien trop présente aujourd’hui : qu’on arrête enfin d’étalonner les savoirs et de classer les élèves entre eux !
Ces nouvelles classes doivent s’engager à faire progresser des cohortes entières, sans laisser aucun élève sur le bord du chemin, au terme d’un tronc commun jusqu’à 16 ans minimum. Cet engagement implique de mettre d’importants moyens en amont du décrochage sous forme de remédiation. Il requiert aussi de refuser le redoublement dont le coût humain est encore plus lourd que le gouffre, pourtant abyssal, qu’il
creuse chaque année dans les finances de la Communauté. Il faut donc que ces nouvelles classes fassent la part belle à la réussite : trop souvent encore, la bonne réputation des écoles est liée à la sélection qu’elles opèrent. S’il convient bien sûr de stimuler au mieux l’acquisition des savoirs et des compétences de nos jeunes, ces apprentissages ne peuvent se réaliser aux détriments des plus faibles sous peine de créer des élites imbéciles et déshumanisées.

Ces nouvelles classes doivent mettre en place une éducation à la citoyenneté active et responsable et tenant compte des droits de l’enfant reconnus par la Convention des Nations unies de 1989. Le climat général sera d’autant mieux adapté aux apprentissages que les élèves auront accès à des espaces et des temps de parole, s’y exprimeront et pourront être appelés progressivement à participer au fonctionnement même de leur établissement.

Enfin, ces nouvelles classes doivent être conçues sur un modèle inclusif. La différence fait la force : quelle que soit la nature du handicap ou de la précarité, son intégration au sein de la classe grandit le groupe et chaque enfant qui l’incarne.

Cet article provient de http://www.lalibre.be

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14/03/2011