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Dans "la pédagogie Freinet et les pédagogies actives" :
L’école de mes rêves, de Danièle Massoz
20 avril 2002
Article mis en ligne le 27 septembre 2007
dernière modification le 27 décembre 2007

Toute pratique, dans quelque domaine que ce soit, se définit d’abord par une philosophie de la société et donc de l’éducation et, pour rester ancrée dans la réalité, je fais miens les quatre objectifs prioritaires du " Décret-Missions ".

C’est à partir de ces derniers que je vais donc élaborer mes propres projets éducatif, pédagogique et d’établissement. La philosophie sous-jacente à ces projets implique que l’enseignant ne soit plus le " maitre ", mais un stimulateur d’apprentissages, un coopérateur, un observateur des comportements des élèves à tous les niveaux de leur développement, un accompagnateur, une personne-ressource, un " donneur de coups de pouce ". Il doit toujours être là pour relancer les apprenants de manière efficiente et ne pas les laisser " le bec dans l’eau ".

Dans mon métier et mon militantisme de pédagogue, je suis, depuis de très nombreuses années, au croisement d’un certain nombre de pédagogies actives et alternatives que je cherche à découvrir et comprendre, tant sur le plan philosophico-théorique que pratique, ainsi qu’à mettre, moi-même, en pratique dans mes diverses activités de formation. Le thème de ce colloque m’a donné l’envie de faire l’exercice de définir, non pas l’école de mes utopies, mais l’école de mes rêves car c’est une école qui pourrait voir le jour aujourd’hui.

En effet, si nous étions dans les années 68-70, ce serait surement l’école de Summerhill qui serait celle de mes rêves, mais cette pédagogie libre (au sens de Claude Paquette est pour moi, aujourd’hui, une utopie. Elle ne me semble pas applicable à large échelle parce qu’elle nécessite, de la part des enseignants et des parents, une confiance énorme dans le potentiel de vie et de soif de savoirs des enfants et que je ne pense pas que le contexte actuel soit favorable au développement, pour tous, de ce postulat de départ. C’est donc dans les pédagogies ouvertes où l’enfant est aussi impliqué que l’enseignant dans le processus d’apprentissage, c’est-à-dire dans les pédagogies Freinet, Decroly, du G.B.E.N., mais aussi Steiner, Montessori, Petersen, immersive,… que je trouve actuellement matière à bâtir l’école de mes rêves. L’essentiel de mes matériaux de base est emprunté aux initiateurs eux-mêmes même si, parfois, je fais référence à des pratiques " modernisées " dans des écoles qui se réfèrent à ces pédagogies aujourd’hui.
Toute pratique, dans quelque domaine que ce soit, se définit d’abord par une philosophie de la société et donc de l’éducation et, pour rester ancrée dans la réalité, je fais miens les quatre objectifs prioritaires du " Décret-Missions " que je reprendrai un par un par la suite et préciserai à ma manière.
C’est à partir de ces derniers que je vais donc élaborer mes propres projets éducatif, pédagogique et d’établissement. La philosophie sous-jacente à ces projets implique que l’enseignant ne soit plus le " maitre ", mais un stimulateur d’apprentissages, un coopérateur, un observateur des comportements des élèves à tous les niveaux de leur développement, un accompagnateur, une personne-ressource, un " donneur de coups de pouce ". Il doit toujours être là pour relancer les apprenants de manière efficiente et ne pas les laisser " le bec dans l’eau ".

En rapport avec l’objectif prioritaire n°1 du " Décret-Missions " :

"Promouvoir la confiance en soi et le développement de la personne de chacun des élèves ", mes valeurs seraient " Se respecter, respecter les autres. Être bien physiquement et psychologiquement. " Pour ce faire, je construirais une école inspirée de Steiner avec son souci d’une architecture de qualité et donc du bien-être psychologique et physique par les formes arrondies, le choix des matériaux, l’attention apportée aux couleurs, la luminosité des espaces… Je lui emprunterais, ainsi qu’à Montessori, son désir de fournir un environnement stimulateur d’apprentissages en proposant un matériel scolaire adapté à chacun, structuré, esthétique et objet de respect. Les cours de récréation, les réfectoires seraient des lieux conviviaux où il fait bon jouer, se détendre, manger,… Des espaces de relaxation seraient aménagés pour permettre à tous ceux (adultes comme enfants) qui le désirent de se reposer, ne serait-ce que quelques minutes au cours de la journée.

Ce " décor " planté, je diversifierais les activités pour assurer un équilibre entre les développements intellectuel, physique, socioaffectif et artistique des enfants tels que le prônent toutes les pédagogies " nouvelles ". J’y ajouterais la sensibilité propre à Steiner d’une conscience des influences de notre planète et de notre histoire sur nos comportements actuels.
Les classes de l’école de mes rêves seraient verticales, comme le sont celles de Freinet, du G.B.E.N. et de Petersen pour favoriser les conflits socio-cognitifs entre élèves de compétences et d’âges différents, pour vivre plusieurs années ensemble et apprendre à se connaitre et pour créer une sorte de famille où chacun peut avoir des rôles complémentaires à jouer.

L’objectif prioritaire n° 2 :

" Amener tous les élèves à s’approprier des savoirs et à acquérir des compétences qui les rendent aptes à apprendre toute leur vie et à prendre une place active dans la vie économique, sociale et culturelle "
serait sous-tendu par les valeurs suivantes : " Apprendre à apprendre. Être autonome. Être responsable. Être capable d’initiative. Gérer son temps ". J’emprunterais au G.B.E.N. son parti-pris " Tous capables " et son rejet du redoublement et des évaluations sommative et certificative en tant qu’outil de sélection. Avec lui, ainsi que Decroly, Freinet et Steiner, les évaluations seraient uniquement qualitatives et formatives et comprendraient des autoévaluations ainsi que des alloévaluations.
Elles porteraient sur le développement intellectuel et socio-affectif, mais aussi psychomoteur ou physique comme pour Steiner et Decroly.
La scolarité primaire se clôturerait par la réalisation d’un chef-d’œuvre comme Freinet, Steiner et le G.B.E.N. à sa suite, le prônent. J’y associerais, comme ce dernier, l’aide de parrain et marraine adultes autres que le parents qui mettent l’enfant dans une relation intergénérationnelle hors-école de construction des savoirs.

La réussite du chef d’œuvre serait, bien entendu, le résultat des apprentissages réalisés dans tout ce qui aurait été travaillé en amont avec les enfants.

Il s’agirait :
 des plannings qui, pour Freinet, permettent aux enfants d’être maitres du temps et donc de ne pas simplement subir les décisions des adultes ;
 des projets individuels, de groupe et parfois de la classe qui globalisent et fonctionnalisent de nombreux apprentissages et font vivre l’interdisciplinarité ainsi que la réalité de la vie dans toute sa complexité ;
 chaque fois que cela s’avèrerait utile et nécessaire, les apprentissages se construiraient, comme pour le G.B.E.N., à partir des représentations des enfants et de " vrais " défis seraient proposés en auto-socio-construction dans le plaisir et l’envie de les solutionner en étant toujours tous gagnants. Ils pourraient, à certains moments, se réaliser en petits groupes verticaux ou horizontaux, dans le cadre de plans de travail qui viseraient tant au développement individuel que coopératif des élèves via le tutorat notamment. Ces derniers seraient négociés dans leur contenu et leur temps de réalisation entre l’enseignant et chaque élève ;
 l’apprentissage de la lecture et des mathématiques serait, comme pour Freinet, " naturel " ou fonctionnel et s’appuierait, comme les autres apprentissages, sur le tâtonnement expérimental ;
 les " surprises " de Decroly avec l’ouverture sur l’extérieur, le développement du sens de l’observation, la précision du langage oral, les associations dans le temps et dans l’espace c’est-à-dire à l’histoire et à la géographie, la diversité des modes d’expressions que suscite leur découverte seraient exploitées et déboucheraient, à certains moments, sur des projets ;
 quant aux " conférences " de Freinet et Decroly, elles seraient réalisées régulièrement et essentiellement grâce aux trésors de la B.C.D. de l’école ;
 comme pour Freinet, Decroly et Steiner, le contact avec les animaux et les végétaux, via l’élevage et la culture, permettraient aux enfants de développer leurs connaissances du monde vivant dans lequel nous évoluons ;
 la démarche scientifique de Decroly serait développée le plus fréquemment possible pour ouvrir l’enfant sur le monde qui l’entoure ; - comme Steiner, dans certains cas, la mémoire kinesthésique et celle des images seraient utilisées pour assoir les apprentissages ;
 comme Steiner encore, les synthèses à garder des notions et concepts travaillés seraient couchées dans des cahiers dont le contenu serait défini avec et par les enfants, mais la mise en forme assurée par l’enseignant afin qu’elle soit précise, correcte et structurée. Ces documents seraient ainsi des œuvres d’art personnalisées par chaque enfant, comme chez Steiner, et de vrais référentiels utilisables à tout moment. Ils suivraient l’enfant dans son cursus scolaire et seraient actualisés tout au long de celui-ci ;
 le développement artistique serait assuré par toutes les formes d’expressions " libres ", mais aussi par la réalisation de pièces de théâtre conçues entièrement par les enfants comme chez Freinet, Decroly et au G.B.E.N. ;
 comme Petersen, des temps d’activités libres seraient prévus pendant lesquels les enfants auraient le droit de ne rien faire ou de s’adonner, seul ou en groupes, à des activités très diversifiées ;
 comme pour Steiner et le G.B.E.N., des moments de relaxation, de reconcentration,… via l’eurythmie, les mandalas,… seraient prévus aux moments opportuns ;
 l’école serait, comme pour toutes les pédagogies actives, ouverte sur l’extérieur et à l’extérieur à travers des activités inter-classes, la réalisation d’un journal, de correspondances, de voyages, de rencontres de personnes sur leur lieu de travail,… ;
 les devoirs seraient, comme pour Freinet et le G.B.E.N., libres et à choisir dans un éventail très large ainsi que réalisables de manière autonome par l’enfant.

Quant au troisième objectif prioritaire
" Préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d’une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux autres cultures "
que j’ai été tentée de mettre en première position, je lui associe les valeurs suivantes :
" Vivre la démocratie, la cogestion, l’autogestion.
Savoir communiquer, être sociable.
Avoir un esprit critique.
Coopérer, être solidaire.
Être tolérant. "

Pour les atteindre, il importe que tous les enfants apprennent à se connaitre et à communiquer efficacement, ce qu’ils pourront découvrir et mettre en application à travers différentes techniques qui seraient travaillées avec eux.
Ces dernières seraient également exercées par la mise en œuvre de certaines pratiques comme :
 les conseils de classe et d’école chers à Freinet, Decroly et au G.B.E.N. ;
 la boite à disputes du G.B.E.N. et sa pratique systématique de présentation de leur école aux visiteurs par les enfants, tant sur le plan philosophique que des pratiques, ce qui favorise chez eux l’explicitation et donc l’appropriation des valeurs propres à leur établissement ;
 les tableaux des charges et autres prises de responsabilités comme les parrainages entre enfants,….

Quant aux parrainages entre enseignants anciens et nouveaux comme chez Decroly, aux préparations coopératives des activités du lendemain et des jours qui suivent par l’équipe éducative à l’école même, comme au G.B.E.N., et aux " vraies " concertations organisées chez Freinet, Steiner, Petersen,… voilà autant d’atouts pour cimenter toutes les briques posées par chaque enfant et chaque enseignant. Le rôle de la direction serait surtout de coordonner toues ces actions, d’assurer que tous les membres de l’équipage naviguent dans le même sens et donc d’être le garant du projet d’établissement.

Les parents seraient clairement informés des valeurs et pratiques propres à l’école et ils trouveraient des réponses argumentées à leurs questions. Ils pourraient ainsi, eux aussi, naviguer dans la même direction que tout un chacun dans leur participation à la vie de l’école comme à l’extérieur.
Et si j’étais vraiment une magicienne, j’ajouterais à cette école de mes rêves l’apprentissage d’une autre langue par la pédagogie immersive qui est une méthode naturelle, car y a-t-il une meilleure manière de s’ouvrir aux autres cultures que d’en parler la langue ?

Ce qui nous amènerait, par voie de conséquences, à atteindre l’objectif prioritaire n°4 :
" Assurer à tous les élèves des chances égales d’émancipation sociale " dont la maitrise est loin d’être assurée par les pédagogies traditionnelles (qu’elles soient fermées ou encyclopédiques). Il suffit de voir les résultats de l’enquête P.I.S.A. qui démontrent, une fois de plus, que l’origine socio-économique est déterminante dans la réussite de nos élèves et que notre enseignement est particulièrement sélectif, ce que je trouve certainement dramatique en ce début de 21ème siècle. Il serait temps aussi que nos 10-12 ans ne répondent plus massivement " 32 ans " à la question " Sur un bateau, il y a 26 chèvres et 6 moutons. Quel est l’âge du capitaine ? " !!

Pour résumer, mes maitres-mots sont ouverture et souplesse, mais aussi organisation et structure, structure dans le temps et dans l’espace. Il est urgent, en effet, que l’expression " pédagogies actives " ne soit plus associée à agitation corporelle de l’enfant et que l’on ne retire plus certains enfants des écoles actives sous prétexte qu’il leur faut un enseignement structuré, ce qui serait, pour certains, une des caractéristiques de l’enseignement encyclopédique ou fermé !!

Danièle MASSOZ

N.B. : comme tout ce que je fais est évolutif, il en est de même pour ce texte.
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in La pédagogie Freinet
et les pédagogies actives

Revue n° 19 (mars-avril-mai 2002)
Compte rendu d’un colloque tenu à la Maison de la Francité à Bruxelles
le 20 avril 2002