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Témoignage
Deux ou trois choses qui ont changé dans ma vie depuis Mahdia...
Ou pourquoi l’Éducation Nouvelle n’est pas réservée uniquement aux enfants et enseignants.
Article mis en ligne le 2 septembre 2012
dernière modification le 11 septembre 2012

J’ai participé, en juillet 2012, à mes premières Rencontres internationales du LIEN (Lien International d’Éducation Nouvelle) à Mahdia, en Tunisie. Trois jours d’ateliers, de démarches, de participation, de rencontres et d’échanges.
Un mois après, je me rends compte que certaines choses ont changé, dans ma vie quotidienne, presque mine de rien... mais ça change tout !

Entre autres choses :

  Je suis allée rechercher mon atlas (cadeau de ma première communion, celui qui m’a sans doute le plus émerveillée à l’époque : la découverte de la Terre s’offrait à moi, en 170 pages remplies de planches en couleurs, de graphiques, de noms propres aux résonances diverses, étranges, inconnues...) au grenier. Parce que, quand mon compagnon parle de son prochain voyage en Équateur, chez les Indiens d’Amazonie... oui, je sais plus ou moins que l’Équateur c’est en Amérique du Sud, plutôt vers le haut, et que l’Amazonie, c’est plutôt grand mais... le voir et l’appréhender sur une carte, c’est autre chose l Et ça permet de rectifier mon souvenir vague et erroné de la géographie de l’Amérique Latine, et...
  et, du coup, je suis restée plongée presque une heure dans l’atlas. Parce que, un atlas, c’est merveilleux ! Ah, oui, je retrouve cette fascination qui m’habitait, gamine, à contempler toutes ces cartes et partir en voyage... Notamment, je reproduis avec bonheur un jeu auquel je m’adonnais à l’époque : je choisis un nom au hasard dans l’index, pourvu qu’il me soit inconnu, et me rends à la carte mentionnée, pour retrouver cette localité, ce fleuve, cette mer ou que sais-je, et en explorer les alentours... et...
 
 et puis, je me suis plus particulièrement amusée à la page 131 de mon atlas (édité en 1984), page qui présente des « types d’exploitations agricoles ››. S’y retrouvent des représentations schématiques de l’organisation de : une brigade de production (Chine), une commune populaire (Chine), un kolkhoze (Union Soviétique), un kibboutz (lsraël), la culture itinérante ou Ladang (Liberia), un sovkhoze (Union Soviétique), une exploitation à grande surface pour le blé (États-Unis) et une exploitation de culture du caoutchouc (Malaisie).
Je trouve un plaisir extraordinaire à me pencher sur ces représentations, à m’interroger sur le sens que leurs auteurs leur donnaient à cette époque (il y a près de 30 ans), comment ils percevaient le monde et l’agriculture, la représentativité des différents plans, leur pertinence, leur évolution, leurs ressemblances et dissemblances... De quoi alimenter mes réflexions sur l’agriculture mondiale et ses travers industriels !

 Il y a deux jours, quand mon fils (6 ans) voit un livre traîner sur mon lit et me demande ce que c’est, plutôt que de lui répondre un vague « c’est ce que je suis en train de lire pour le moment ››, je lui réponds très précisément : c’est l’histoire d’une femme, qui a fait de nombreux voyages dans les années ’50 et ’60 afin d’aller rencontrer des maîtres spirituels en Inde. Du coup, nous voilà lancés dans une discussion sur les conditions de voyage de l’époque pour un tel voyage depuis la France, sur ce qu’est un maître spirituel et... bien sûr, nous finissons le nez dans l’atlas, afin de (re)découvrir où se trouve l’Inde et parcourir nous aussi tout le voyage qui sépare la France de l’Inde.
 Hier, c’est un autre livre qu’il voit avec moi au jardin, et là, c’est lui qui me demande très clairement : « Ça raconte quoi le livre que tu lis ? ››. C’est La Fessée, d’Olivier Maurel, ça parle de la violence éducative ordinaire, et ça me permet donc d’aborder avec mon fiston de manière tout à fait spontanée la question de la violence faite aux enfants (sous forme physique et psychologique), la conviction de l’auteur, que je partage, de condamner fermement toute forme de violence imposée aux enfants, et de vérifier avec lui s’il a déjà reçu une fessée dans sa vie et ce qu’il aurait ressenti...

  Je ne sais trop pourquoi, j’avais envie de rafraîchir mes connaissances d’anglais, langue apprise pendant quelques années à l’école secondaire, mais peu utilisée dans ma vie. Aussi, je me dis qu’une meilleure connaissance de cette langue, et d’autres, me permettrait d’autant plus de découvertes et d’ouverture sur le monde... Alors, tout simplement, je ressors des bouquins, en emprunte un autre à la bibliothèque, et je révise l’anglais. Parce que ça m’amuse ! Et que je pressens que je pourrais en avoir besoin pour faire plein d’autres choses qui m’amusent ou me plaisent ! Et ça, c’est nouveau pour moi : j’ai passé quatre années à
l’école à étudier l’anglais... parce que j’avais un cours d’anglais. Et qu’il y avait des tests et des examens, au cours d’anglais, comme dans les autres cours d’ailleurs. Et c’était tout, comme motivation. Un peu faible, non ?

  Hier également, mon fils (toujours le même) voulait faire voler son cerf-volant, reçu quelques jours auparavant. Je vous promets que, au-delà de l’émerveillement et de la joie de le voir voler plusieurs mètres au-dessus de nos têtes, nous avons appris plein de choses. Parce que nous avions procédé par tâtonnements expérimentaux pour parvenir à notre réussite, nos acquis partagés se situent à des tas de niveaux... Essayez, vous verrez !
  Après le cerf-volant, nous avons fait un saut à la rivière toute proche. Et ici, je témoigne que deux enfants (6 ans et 23 mois) qui jouent dans une rivière avec des bois, des cailloux, de la boue et l’eau qui coule apprennent une multitude de choses... et que cela peut durer des heures, dans la joie et le ravissement, même si les fesses sont mouillées et les bottes percées.

Alors, voilà mon constat : le plongeon de trois jours dans un bain d’Éducation Nouvelle m’a donné une conscience accrue des possibilités infinies d’apprentissage qu’offrent mille et une situations de la vie de tous les jours. Cela me donne l’envie, pour moi-même et pour mes enfants, de ne pas laisser filer ces possibilités, de les saisir et de les provoquer. De manière spontanée, non formelle et (ré)créative.
J’ai retrouvé goût, à 34 ans, à l’apprentissage ! Et franchement, cela donne d’autres saveurs et d’autres couleurs à mon quotidien, à mes partages, à mes rencontres...

Et donc, voici ma conclusion : OUI, OUI et encore OUI à toute initiative pour faire découvrir l’Éducation Nouvelle et la force des apprentissages informels et « auto-socio-construits ››... à tous ! Tous les parents !Tous les enfants ! Tous les adultes ! Cela nous concerne et nous enrichit tous ! Car l’Éducation Nouvelle œuvre pleinement à la concrétisation d’une « autre éducation ››, que Pierre Rabhi appelle en ces termes dans son Manifeste pour la Terre et l’Humanisme :

« Nous souhaitons de toute notre raison et de tout notre cœur une éducation qui ne se fonde pas sur l’angoisse de l’échec mais sur l’enthousiasme d’apprendre. Qui abolisse le « chacun pour soi ›› pour exalter la puissance de la solidarité et de la complémentarité. Qui mette les talents de chacun au service de tous.
Une éducation qui équilibre l’ouverture d’esprit aux connaissances abstraites avec l’intelligence des mains et la créativité concrète. Qui relie l’enfant à la nature à laquelle il doit et devra toujours sa survie et qui l’éveille à la beauté et à sa responsabilité à l’égard de la vie. Car tout cela est essentiel à l’élévation de sa conscience... ››

Caroline Leterme,
Aubel (Belgique)
28 août 2012

Ce témoignage a paru aussi sur le site du LIEN.

Il y est accompagné de la référence suivante :
Un entretien avec Pierre Rabhi, paru dans la revue Filigranes en mars 2008.

"Mon métier de paysan m’a appris que les choses adviennent quand c’est la saison..."