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L’homme naît bon, pensait Jean-Jacques...
Article mis en ligne le 4 octobre 2024

Le Professeur Jean-Pierre Pourtois de l’U Mons écrit : "L’élève tout comme le citoyen ne sont ni spontanément ni naturellement agressifs mais bien collaboratifs à condition que *le contexte le leur permette".

Cette assertion est opposée aux affirmations de deux geignards Catherine Bizot et Joël Libert qui s’expriment dans Le Monde et La Libre Belgique. C’est du genre : « L’agressivité des élèves augmente, le harcèlement explose, l’autorité fout le camp et les parents sont devenus laxistes... bla et bla ».

Sources de réflexion

Trois auteurs ont pressenti ce que révèlent maintenant les neurosciences : 

1/ Pierre Kropotkine dans "La morale anarchiste" paru en 1889 montre que seul l’instinct d’entraide est le dépositaire des valeurs humaines à construire. Voici la quatrième de couverture de l’Ed. Mille et Une Nuits :
"Après Stirner, Proudhon et Bakounine, Pierre Kropotkine poursuit le grand rêve libertaire : ce prince russe devenu géographe de renom se fait le généalogiste d’une morale anarchiste qui dénonce les fausses morales imposées depuis des lustres par « le prêtre, le juge, le gouvernant.
Avec La Morale Anarchiste (1889), livre virulent et raisonné, il montre que seul l’instinct d’entraide est le dépositaire des valeurs humaines à construire."

2/ Patrick Tort - que j’ai eu l’occasion rare de côtoyer, auteur d’un dictionnaire du darwinisme montre que Charles Darwin (1809 - 1882), dans un ouvrage peu connu parle d’un instinct de sympathie, montrant que la sélection a produit l’antisélection (effet réversif) où le nouveau-né incomplet bénéficie de soins spontanés attentifs sans lesquels...
 On trouve ceci sur l’Internet à propos de l’auteur : « Une interprétation expéditive du darwinisme a fait trop souvent de la « survie du plus apte » l’argument des manifestations ordinaires de la loi du plus fort : élitisme social, domination de race, de classe ou de sexe, esclavagisme, élimination des faibles. Patrick Tort, spécialiste de l’œuvre de Darwin, montre qu’en réalité la civilisation, née de la sélection naturelle des instincts sociaux et de l’intelligence, promeut au contraire la protection des faibles à travers l’émergence – elle-même sélectionnée – des sentiments affectifs, du droit et de la morale. Pour emblème de cet « effet réversif » de l’évolution, l’auteur choisit la bande de Möbius, dont la face unique résulte d’un retournement continu. Un essai pour en finir avec la tentation toujours présente d’utiliser Darwin pour justifier l’injustifiable ».

Patrick Tort, philosophe, historien et théoricien des sciences, est le fondateur de l’Institut Charles Darwin International. Professeur détaché au Muséum, il est l’auteur de nombreux ouvrages et le directeur du Dictionnaire du darwinisme et de l’évolution (PUF)."

3 / Vinciane Despret, philosophe des sciences dit ceci :
« Peut-être que les héritiers de Darwin ont un peu exagéré cette histoire de compétition et de lutte pour la survie. Une des lois fondamentales des êtres sociaux que sont les animaux, c’est aussi la coopération »’ Le Soir’ 21/09/24.
Elle rejoint ainsi la position de Patrick Tort.

4 /Témoignage actuel
Plus près de nous, je peux témoigner qu’une douce fermeté raisonnée (expliquée aux enfants) amène ceux-ci à des conduites positives solidaires, exemptes d’agressivité, de harcèlement, de tromperie, résurgence de l’instinct d’entraide, de sympathie. Ainsi, prenant ma retraite en tant qu’inspecteur cantonal après 18 ans de fonctions, j’ai voulu devenir instituteur bénévole pendant quatre ans pour mettre en place une école publique « La Maison des Enfants » à Buzet (Foreffe, Belgique). J’ai déclaré aux 28 nouveaux élèves de 6 à 12 ans, en 1992 lors de son ouverture : « Vous ne serez jamais punis ni dénoncés à vos parents, les récréations seront libres dans la maison ou la nature, pas d’examens ni de bulletins chiffrés, devoirs au choix non obligatoires, liberté de mouvement, chef-d’œuvre en fin d’école primaire, pas de redoublements, classes du dehors etc. Mais on ne pourra pas tout faire, une boîte à disputes/discutes, boîte de la non-violence permettra d’ajuster les comportements par le dialogue. De leur côté, les adultes rivaliseront de créativité en concertations quotidiennes pour proposer des recherches passionnantes à partager, pour aider l’autre.

D’emblée, à l’inscription de leur enfant, j’ai informé les parents de ce projet d’établissement Ils m’ont fait confiance assurés que ce programme était tout à fait légal ... venant d’un inspecteur !
Et voilà 32 ans que ça dure grâce aux relais pris par Jean-François Manil et, dans une école publique voisine, par Léonard Guillaume, tous deux Docteurs en Sciences de l’Education qui ont su construire *le contexte qui le permette. Sans eux, mon initiative aurait fait long feu au lieu de s’étendre.

Nouveauté en Education Nouvelle

Tout de go, j’ai remplacé les examens notés habituels en fin d’école primaire par la présentation d’un chef-d’œuvre pédagogique qui donne une grande place à l’oral, la poésie, les arts, le jeu, à côté des éléments de mathématique, sciences, histoire, écologie et géopolitique Le récipiendaire, qui va prouver ses compétences en public, choisit son sujet, par exemple le langage des arbres, les fourmis, la médecine ancienne,, la danse, les sorcières...Mais surtout, outre son caractère culturel, l’exposé interactif se veut instructif c’est-à-dire un moment de partage des connaissances. Ce dernier élément, très novateur, est au cœur de la pédagogie du chef-d’œuvre que j’ai initiée. On a accumulé des connaissances, certes pour soi mais dans l’intention manifeste d’en faire bénéficier les condisciples. C’est pourquoi, l’exposé, lors de la présentation du chef-d’œuvre est interactif afin que le jeune public, loin se rester passif, s’approprie le savoir, qu’il pose des questions à tous moments. Chacun, seul ou avec son voisin, doit prendre des notes qui seront exploitées ultérieurement en classe.

L’élève désormais enseignant approfondit ainsi même ses savoirs au nom du principe : « Celui qui enseigne apprend ». Oui, Sénèque disait déjà, il y a 2000 ans : « Qui docet discit ».

Cette méthode d’apprentissage, centrée sur le PARTAGE, devient une véritable nouvelle pédagogie en s’étendant à toutes les disciplines, ceci en alternance avec d’autres pratiques actives. C’est au cœur de duos d’élèves (composés par le maître d’apprentissage) que resurgit/renaît de manière éclatante l’esprit coopératif, l’instinct de sympathie, l’instinct d’entraide, donc le bonheur de bien s’entendre désormais... une vraie résilience pour tous, en particulier pour les estropiés pédagogiques.

Essentiel
Voilà un nouveau but à l’éducation des enfants et des adultes : faire resurgir et régner, réapparaître donc ces vertus premières en latence chez chaque personne. Comment ? En créant les conditions qui les permettent, c’est-à-dire par le mise en œuvre de l’Education Nouvelle, en particulier la pédagogie du chef-d’œuvre qui est celle de la solidarité, de la non-violence institutionnelle et du partage de découvertes passionnantes.

Pédagogie en expansion

Je dois préciser que dans les dix écoles belges à Pédagogie du chef-d’œuvre telles que celle de Buzet, un quart, voire un tiers des inscrits sont des éclopés venus de l’enseignement traditionnel que les parents veulent sauver. Ces déclassés scolaires ont été parfois agressifs, étourdis, désobéissants, agités, mélancoliques, mis en échec dans les écoles élitistes du genre de celles que semblent préférer les plaintifs Catherine Bizot et Joël Libert parce que ces écoles-là, qui recueillent majoritairement des enfants ‘bien élevés’, sont elles-mêmes violentes institutionnellement parlant : punitions, surpopulation, bâtiments vastes et impersonnels, cours de récréation en béton propices au développement du harcèlement (selon une étude récente), rangs comme à l’armée, bavardages sanctionnés, dénonciations aux parents en vue d’une double peine, notation arbitraire excluante, devoirs du soir source de conflits en famille, stress, humiliations,
diverses formes de harcèlement (venant parfois du professeur), bachotage avant des examens externes, redoublements, didactique souvent ennuyeuse faite surtout d’exercices scolaires formels notés, aucune concertation pédagogique du personnel, méfiance vis-à-vis de l’innovation.

Les enseignants progressistes sont là minoritaires et parfois marginalisés. Des directions mêmes, conscientes de l’urgence de progresser en humanisme vu les menaces qui pèsent sur la survie des espèces, se heurtent quelquefois à l’immobilisme d’un bloc de professeurs conservateurs et pleurnichards.

Je puis en témoigner ayant été (Oh, honte !) ‘traditionnel’ durant mes dix premières années d’enseignement dans un collège de Jésuites de dix-huit classes primaires.

Réflexion à propos des parents

Les parents sont tous d’anciens élèves et ils s’en souviennent... en bien ou en mal. Si leur cursus s’est déroulé sans encombre, ils risquent bien d’avoir des enfants sans problèmes. Mais s’ils ont une progéniture qui accumule les punitions, les brimades, les notes infamantes, les redoublements, ils peuvent sentir ravivés leurs anciens traumatismes scolaires et, dès lors, contester, enfin en position de force en tant de ‘clients’, l’autorité professorale. Dans le triangle bien connu : persécuteur, persécuté, aidant, ils volent au secours de leur gosse... ce qui leur est reproché par l’institution car celle-ci voudrait qu’ils abandonnent leur fonction de secouriste pour adopter l’attitude du persécuteur. Ils sont donc taxés de laxisme, éleveurs d’enfants-rois à qui tout est permis

Pour en sortir, c’est à tous les enseignants de faire leur cette pensée d’Education Nouvelle : « Quand ils me déçoivent, qu’est-ce que JE change dans mes pratiques ? ».... au lieu d’accuser la terre entière.

Pour conclure

Bref, à école violente, nombreux enfants déviants ;
à école de la non-violence, enfants tous solidaires.
En miroir : à école violente, enseignants maussades ;
à école de la non- violence, enseignants sereins.

Heureusement, le renouveau est en marche où la vraie nature des enfants se dévoile dans la bonne humeur, la liberté, la fraternité et le sérieux

Ma gratitude va à des grands guides qui m’ont éclairé avec optimisme : Jean-Jacques et son homme né bon, Jean-Pierre pour qui l’enfant est collaboratif, Pierre persuadé que l’instinct d’entraide préexiste. Patrick révélant l’instinct de sympathie cher à Darwin et récemment Vinciane soulignant la coopération comme loi fondamentale des êtres sociaux.

* * *

Il nous reste à réactiver partout ce potentiel en dormance chez tous. C’est nécessaire, c’est possible... et quelle joie !

Charles Pepinster instigateur du GBEN, Groupe Belge d’Education Nouvelle pepinstercharles chez yahoo.be
Sites : .gben.be et panote.org