par Charles Pepinster
Elle est dans une maison, cette école primaire communale. Ses 54 élèves occupent les neuf pièces, de la cuisine au grenier.
Par petits groupes, ils font des recherches solidaires en autonomie.
Ils savent que les groupes disséminés dans La Maison des Enfants (Buzet–Floreffe–Belgique) vont rapporter au grand groupe le résultat de leurs investigations.
Loana et Alisson entrent dans le local où Laure-Hélène et moi sommes attablés.
« On peut ? »
« Mais oui », dit l’institutrice.
Les deux gamines, dans un premier temps ne s’occupent pas de nous.
Installés au bout de la table, nous cherchons, entre adultes, comment faire apprendre la conjugaison de manière créative et solidaire. C’est la préoccupation de Marie-Laure. J’écris nos idées dans un grand cahier : faire beaucoup écrire : écriture effervescente – exemple – textes fonctionnels…Avant tout, faire repérer les verbes grâce à 7 ou 8 indices, les écrire sur des bandelettes à classer en équipe, faire une exposition interactive de ce qu’on croit être des verbes, comment on imagine ‘mettre ensemble ceux qui vont ensemble’ (Piaget). Comparer les séries apportées par les différents groupes : similitudes, différences. Conclusions.
C’est une approche il y en a d’autres. Puis nous voyons comment les élèves peuvent SE construire les tables de multiplication, en géométrie d’abord…
Loana et Alisson sont absorbées dans leur tâche. Jean-François (l’instituteur) leur a demandé d’inventer des phrases qui rejoindront celles des autres groupes également à la tâche ailleurs, phrases qui conviendraient pour composer un texte collectif sur la vie dans les châteaux forts : descriptions, dialogues, événements, interrogations. Tout ceci après la lecture de quatre livres de la BCD.
« Toi, tu vas encore à l’école ? » demande tout à coup Louana.
Réponse : « Je suis institutrice mais j’ai besoin de chercher avec Charles. Je devrai apprendre toute ma vie… »
En effet, Laure-Hélène est dans cette école d’Education Nouvelle depuis deux semaines et désire s’initier aux enjeux de l’Education Nouvelle, l’auto-socio-construction des savoirs en plus des projets, du théâtre quotidien, des jeux coopératifs…
Moi, j’ai initié cette école publique il y a 17 ans et je rencontre les enseignants – à leur demande – chaque jeudi.
Alisson et Loana continuent à chercher de leur côté, nous du nôtre.
Une connivence discrète s’est établie entre nous.
Voilà que des élèves constatent que les adultes aussi se mettent en recherche inventive et coopérative.
Faire apprendre, cela demande de la concertation , comme pour trouver du langage écrit dans le champ lexical du Moyen Âge quand on a 10 ans.
Sans l’avoir recherché, nous avons levé le voile sur une dimension cachée du métier d’enseignant : la préparation de la classe comme un cadeau fait aux élèves. Le plus souvent les professeurs entrevoient ce qu’ils vont faire avec leurs élèves, chez eux, dans la solitude. Parfois, les enseignants se retrouvent tous les jours après la classe pour des préparations de cours en solidarité, comme à Buzet.
Un pas de plus aujourd’hui, des élèves passent derrière le voile.
J.J.Rousseau disait : « Faites-en vos égaux pour qu’ils le deviennent ». D’accord, dès maintenant.
Charles Pepinster
Aujourd’hui, jeudi 11 septembre 2008.