C’est à leur intention que je propose ici quelques éclairages :
– genèse d’une réussite,
– contenu,
– perspectives dans le cadre de l’école publique légitimement payée par les impôts de tous.
C’est possible
En avril 1992, le Bourgmestre André Bodson de Floreffe, près de Namur, m’a demandé comment on pouvait rouvrir une école primaire fermée depuis dix-sept ans dans le village de Buzet. J’étais le fonctionnaire chargé de faire respecter la législation scolaire. J’ai proposé de rouvrir moi-même cette école dès septembre, cessant mes fonctions d’inspecteur pour devenir instituteur à condition de disposer d’une maison et non de l’ancienne école et d’y appliquer l’Education Nouvelle. ‘Faire l’école’ dans neuf pièces d’une maison m’obligeait à provoquer l’autonomie d’enfants tous capables, peu à peu, d’appendre sérieusement sans la présence continuelle d’adultes. Obstacle créatif. Mais des bâtiments scolaires habituels – avec des ouvertures hautement souhaitables entre les locaux – (effet ‘maison des enfants’), peuvent très bien convenir également.
L’essentiel, ce n’est pas le contenant, évidemment.
Contenu
Mon intention, était de développer l’Education Nouvelle tout en respectant moi-même la loi : installation du conseil d’école (Elèves/enseignants à la façon Freinet) dès la maternelle, de la créativité, de la solidarité dans la construction d’apprentissages solides, de la non violence et de la confiance par la suppression des points, des bulletins chiffrés, des dénonciations aux parents, des redoublements, des tests d’intelligence mais surtout, mise en place d’une pédagogie de la recherche seul puis en groupes dans des activités passionnantes et rigoureuses en mathématiques, lecture, orthographe etc, . Ces recherches sont choisies tantôt par les adultes, tantôt par/avec les élèves dans les domaines culturel et scolaire. Il faut ajouter le remplacement des punitions et des récompenses par le dialogue souple et ferme, la boîte à disputes pour régler les menus différends, les jeux coopératifs, la lecture en trios verticaux (petit, moyen, grand), le sport, la peinture et le modelage, les projets souvent à caractère social, les récréations libres, les réunions des parents sous forme de recherche, l’usage du porfolio pour informer les parents sur les activités d’apprentissage vécues par leur enfant, le théâtre tous les jours, l’école ouverte toute l’année aux parents, aux visiteurs aux médias, la bibliothèque centre de documentation accessible librement à tous moments, les devoirs libres et au choix, la musique écoutée et parfois jouée, les cabanes dans le bois, le respect et l’étude de la nature, l’apport des gens du village et de spécialistes et surtout le chef-d’œuvre pédagogique en fin d’école primaire, couronnement de la « Pédagogie du Chef-d’œuvre » que j’ai élaborée et pratiquée dès le lancement de cette nouvelle école communale.
Pour que cette forme d’éducation soit possible, il est indispensable que les parents y adhèrent, en connaissance de cause dès l’inscription, qu’ils soient reçus, éclairés, rassurés sur le sérieux de l’opération sinon l’élève sera en conflit de loyauté. Il est bon de leur dire que leur enfant recevra le Certificat d’Etudes de Base (CEB) en fin de scolarité primaire.
L’école de Buzet est gratuite, ouverte à tous puisque officielle. Je lui ai donné le nom de « Maison des Enfants » pour marquer son caractère familial. Elle a reçu le Prix de la Reine que nous a remis Paola de Belgique au palais de Bruxelles en 1996. Peu à peu, l’école communale de Saint-Gérard (Mettet, Province de Namur), sous l’impulsion de Léonard Guillaume, s’est transformée de la maternelle à la fin du primaire, à sa façon mais en adoptant tous les paramètres cités plus haut et en inventant, en équipe, de nouvelles avancées dont profite Buzet à son tour.
Perspectives
Il y a donc plusieurs organisations scolaires qui conduisent au même type d’Education en respect du Décret Missions de l’enseignement du 24-07-97 :
– 1 /* D’emblée comme à Buzet où j’ai eu carte blanche et où j’ai appliqué mes principes pendant quatre ans avant que Jean-François Manil ne me succède, adopte et améliore considérablement mes débuts, aidés par trois institutrices progressistes** avec qui il se concerte tous les jours pour convenir des activités à venir.
– 2 /* En transformant lentement une école ordinaire comme à Saint-Gérard, avec les mêmes options qu’à Buzet. C’est cela qu’a très bien réalisé Léonard Guillaume. C’est plus simple administrativement mais plus complexe psychologiquement et plus lent à mettre en route car il faut se transformer soi-même, accompagner les parents et les enseignants dans la modification de leur représentation habituelle de l’école marquée par leur propre scolarité.
Dans le premier cas, le recrutement des nouveaux enseignants est éclairé, dès le redémarrage, par la recherche d’un profil idoine. Dans le second, il a fallu se persuader et amener des titulaires déjà en place à adopter l’Education Nouvelle, en douceur.
Ces deux façons d’arriver à installer un changement radical rencontrent des difficultés administratives différentes. En Belgique il est presque impossible d’ouvrir une nouvelle école tant le nombre d’élèves nécessaires est élevé mais on peut rouvrir, ressusciter une implantation scolaire qui a existé tout en profitant de normes basses. C’est cette connaissance de la législation scolaire, dont j’ai fait bénéficier le Bourgmestre de Floreffe, qui aurait permis de rouvrir en 1992 avec douze élèves seulement (il y en a eu 26 d’emblée).
En revanche, transformer son école ne réclame aucune autorisation puisque le Pacte Scolaire du 29 mai 1959 garantit la liberté des méthodes à chaque Pouvoir Organisateur… ce qui me fait dire que la Belgique est un pays de Cocagne pour l’enseignement pourvu qu’on connaisse la législation et qu’on ait la volonté politique et le plaisir d’installer une éducation vraiment démocratique non seulement autorisée mais recommandée par les directives ministérielles (Voir en particulier le Décret très progressiste du 24/07/97 qui fixe les Missions de toutes les écoles en Belgique).
– 3 /* C’est ce qu’a compris Sabrina Dupriez, la directrice d’une école fondamentale communale à Chièvres (Province de Hainaut). Après une intense réflexion durant l’année scolaire 2015/2016, des rencontres avec Léonard Guillaume et moi, la visite de l’école d’Education Nouvelle de St-Gérard, les cinq enseignants ont décidé de concrétiser tout le contenu décrit plus haut (en italique), d’emblée à la rentrée 2016/2017 avec le soutien de l’échevine responsable, de l’inspecteur et de la conseillère pédagogique que j’avais rencontrés.
La plupart des parents ont adhéré au projet, la population scolaire a augmenté.
– 4 /* Une quatrième façon de réaliser une unité d’Education Nouvelle, c’est d’occuper une ‘annexe’ (une maison p.ex.) dans un rayon de 500 m d’une école qui ne peut contenir le flot des nouveaux élèves attirés par l’amélioration du système éducatif. Cette expansion est la conséquence d’une conscientisation large d’une région ayant déclenché une demande d’action auprès des autorités communales.
– 5 /* Une commune qui dispose de plusieurs implantations sur son territoire peut légalement regrouper en un lieu unique les enseignants désireux d’imiter, à leur manière, les écoles d’Education Nouvelle existantes. Cette formule a davantage de chances de réussir si la persuasion l’emporte sur l’autoritarisme. Une longue préparation de toute la communauté éducative faite de visites, de séminaires, de rencontres, de lectures, de témoignages (parents, enseignants, élèves), de vidéos etc. est sans doute utile.
Remarque importante : les équipes éducatives qui se lancent dans cette Pédagogie du chef-d’œuvre (incluse dans l’Education Nouvelle) ne doivent pas tout inventer mais elles sont invitées à d’abord imiter légitimement Buzet et St-Gérard en particulier, en exploitant un véritable trésor d’inventions didactiques qui enthousiasment les adultes et les enfants dont regorge le site www.lamaisondesenfants.be, vitrine des trouvailles de Jean-François Manil et de son équipe.
Co-piller, choisir, adapter… s’envoler pour construire une société meilleure dès l’école.
**qui ne voudraient pour rien au monde retourner dans les écoles qu’elles ont connues. Il en est de même à St-Gérard.
Ch. P. pepinstercharles chez yahoo.be
Sites à visiter aussi : www.panote.org et www.lelien.org