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JARDIN D’ENFANCE (2) : Pour une organisation de démocratie participative
 en classe de 2 1/2ans à 6 ans
Article mis en ligne le 7 mai 2012
dernière modification le 6 décembre 2012

Quelques outils facilitateurs

Nous ne pouvons pas citer différents outils au service d’un apprentissage de démocratie participative au jardin d’enfance sans en préciser quelques principes.

En effet : Participer ? Oui, mais pourquoi ?

 1. Pour apprendre à argumenter ? Oui, mais argumentation au service de qui, de quoi ?
 2. Pour apprendre à défendre son point de vue ? Bien sur, mais avec quelle certitude qu’il sera pris en compte ?
 3. Pour se livrer ? Mais comment l’enfant sera-t’il certain que sa culture familiale sera aussi valorisée que la culture dite scolaire ?
 4. Pour prendre du pouvoir ? Mais lequel, du plus léger au plus important ?
 5. Pour apprendre ? Certes ! Mais quoi et comment ?

Nous pensons que l’apprentissage de la gestion participative se doit de n’être pas un piège, destiné à récupérer le jeu et l’expression. Non, l’activité enfantine ne sera pas au service d’une éducation scolarisante au plus mauvais sens du terme, l’adulte étant le seul qui saurait ce dont l’enfant a besoin à chaque moment de la journée.

Cette croyance en l’indispensable contrôle ne viendrait-il pas de la crainte que nous avons que le petit d’homme soit trop jeune, trop jouette, trop paresseux, trop timide, trop… en un mot que nous ne lui faisions pas confiance ?

Prenons le postulat que si l’enfant s’apprend bien à marcher, à parler, à imiter, à jouer parfois pendant des heures avec quelques babioles sans s’ennuyer, il saura s’apprendre à vivre un partage d’expériences démocratiques. Il sera capable de gérer lui-même les divers contenus que cette organisation participative lui proposera. La curiosité et l’envie d’apprendre constituent la motivation d’incitation, celle-ci prévaudra sur une exercisation précoce pilotée par une motivation d’excitation, sanctionnée par des récompenses, des félicitations, des réprimandes, des grilles d’observation, des tests, des communications aux parents…

L’enfant apprend tout par lui-même mais pas tout seul. Bref : « Tous capables, avec les autres » !

Quelques outils.

 Journal de classe (cahier journal) rédigé en commun : adulte / enfant.
 Panneau des activités et projets.
 Album de mémoire du groupe.
 Panneau des responsabilités.

Journal de classe (cahier journal) :

Outil construit en commun, en concertation
Avoir une vue sur le court et moyen terme, se projeter parfois pour la semaine entière, c’est déjà possible si les enfants perçoivent le sens d’une chaîne d’activités. Ils peuvent aussi faire du lien entre les activités proposées, le projet de grand groupe, les aménagements de l’espace, reprenant les suggestions de l’adulte et des enfants. Tout cela s’affine petit à petit.

C’est idéalement une affiche de projet de vie de la classe, qui se complétera, se corrigera, s’illustrera au fil des jours. Elle se différencie de l’affichage au jour le jour par une perspective à plus long terme. Cet « hebdomadaire » ou « semainier » de classe remplacera le « quotidien ». Il aidera à éviter la juxtaposition d’activités journalières. Il exercera les enfants à se projeter à plus long terme sur un fil conducteur, initiant les plus petits par l’accompagnement des aînés en cela plus performant.

Cette affiche se rangera à la fin de la semaine après avoir été commentée. Une nouvelle affiche prendra sa place sur laquelle s’inscriront les reports éventuels de la semaine précédente.

Panneau des activités et projets :

Aller à l’école, d’accord mais pour y faire quoi ? Que vas-tu faire à l’école demain ?

N’y a-t’il rien de plus désagréable que de ne pas savoir de quoi la journée sera faite, pour certains enfants de s’angoisser devant l’inconnu ? Donc logiquement la journée de demain sera organisée, avant de repartir. Sur le tapis de rassemblement, dans l’agora ou tout autre espace propice aux échanges.

Une règle de bois, où se fixeront les petits cartons permettra d’illustrer les différentes activités ouvertes pendant la journée.

Voici des activités de différentes sortes, chaque choix étant écrit et illustré sur un carton plastifié :
 Jeux symboliques : poupées, magasin, coiffure etc.
 Expression : peinture, dessin, modelage, cahiers de textes libres, bibliothèque, théâtre, musique, bricolage, etc.,

Comme Gaston Chaissac, je peins sur une vieille casserole.


 Expérimentation-recherche : sable, eau, cuisine, menuiserie, matériel mathématique, etc. Plus le matériel est simple, abondant et polyvalent, plus il suscite l’initiative, les associations et les classements (kapla, cartons d’emballage, bâtonnets de dimensions variées…

Joie du bricolage
Constructeurs en herbe


 Jeux de société : cartes, jeux de coopération, puzzles etc. il est bon d’exclure ces jeux, soi-disant, éducatifs qui n’incitent pas à la recherche de solutions mais à l’effectuation programmée celle-ci ne demande qu’une seule réponse ; elle rétrécit drastiquement la recherche.
  ? : Activité libre représentées par un carton portant un grand " ?" Son choix permet à l’enfant de se dissocier momentanément de l’organisation pour s’isoler, se ressourcer, se reposer individuellement ou choisir une activité non programmée.
 Sorties et/ou jeux à l’extérieur

En secouant une branche d’arbre au dessus d’un tissu, qu’est-ce qui tombe ?


 Projet en cours : Toute autre activité possible dans l’espace de la classe, entre ateliers permanents et ateliers ponctuels d’une ou plusieurs journées par exemple pour la réalisation d’un projet.

Creuser une mare.
Creuser une mare (2)

(Une classe connue de 28 enfants de 2 ½ à 6 ans avait dessiné une trentaine d’activités possibles)

TRANCHE DE VIE : La concertation commence :
Qu’est-ce qui n’est pas terminé et qui doit se prolonger demain ? Des réponses fusent :
Moi avec Mélissa on n’a pas fini l’anniversaire de la nouvelle poupée…
J’ai promis à Julien de lui apprendre à plier des avions…
On doit faire les décors de forêt pour le théâtre de marionnettes…
Les cahiers de textes libres à la disposition de tous plus ou moins jeunes… (instit)
Moi, je veux jouer…

Y t’il des projets de petits groupes ?
Il ne faut pas oublier de mettre les gros cubes au tapis pour les petits…
Arnaud et moi on voudrait jouer au foot…
J’apporterai des ingrédients pour faire un gâteau pour la collation (instit.)
Je propose un nouveau jeu de découvertes mathématiques (instit)

Ensemble que vivrons-nous ?
Il faut quand même lire des livres… je vais vous en faire découvrir un nouveau… (instit)
Et raconter des histoires…
Recevoir ma maman, dit Mélissa, avec ma « nouvelle » petite sœur…
Ecouter le livre des « mots qui chantent »… (livre de poésie d’auteurs connus)
« Victor intervient : Moi, je n’ai pas envie d’écouter des histoires, j’aime mieux apporter mon nouveau livre et le regarder tout seul » !
Le débat est ouvert.
Y a qu’à pas l’apporter si c’est pour lui tout seul !
Il le regarde et nous on écoute le livre avec la maîtresse !
Moi je veux bien qu’on lise mes livres quand je les apporte !
Il pourrait le lire tout seul le matin et puis l’après-midi on écouterait tous la même histoire ensemble !
Proposition retenue, elle satisfait tous les protagonistes et évite le piège du vote majoritaire souvent frustrant.

Le plus important c’est de ne pas céder à la sacro-sainte loi de la majorité mais de chercher les solutions qui satisfassent tout le monde, l’art du compromis solidaire qui pousse à chercher ensemble des solutions plus intelligentes. Donc pas de vote mais ici la solution est trouvée et chacun est content… Gageons que son souhait étant rencontré, Victor demandera lui-même à ce qu’on lise son livre à tous. Le rôle de l’adulte ici c’est de ne retenir que les propositions négociées et pacifiantes, c’est en son pouvoir et il doit en user. C’est lui qui forme à la citoyenneté car celle-ci ne naît pas spontanément dans un groupe d’enfants sans guide.

C’est bien beau tout ça mais :

Comment gérer les enfants qui choisissent toujours le même type d’activité ?

Que mettre comme contenus ? L’affichage étant ouvert, comment savoir ce que les enfants apprennent ? S’ils peuvent faire ce qu’ils veulent ils n’apprendront rien !

Que faire avec les timides ? Les inhibés ? Les réputés sans imagination ? Les agressifs ? Les « promeneurs » qui regardent et ne font rien ? Les qui n’aiment que jouer ? Les culturellement « défavorisés » ? Les tout-petits ?

Ces questions sont pertinentes et nous ouvrirons un épisode spécial dans la rubrique témoignages pour y répondre.

Album de la mémoire du groupe.

Cela peut être un de ces gros albums d’échantillons de papiers peints obtenus, quand ils sont périmés, dans les commerces spécialisés.

Mémoire du groupe qui se remplira petit à petit de la relation d’évènements marquants vécus à l’école. Cette mémoire illustrée de photos, dessins, écrits, peintures… est destinée à souder le groupe par l’investissement de chacun quel que soit son âge, et son habileté. Merveilleux outils de communication aux parents, il leur fera comprendre la richesse de la vie du jardin d’enfance. En le consultant, les enfants se construiront des repères dans le temps et les verbaliseront : C’était hier…Avant l’anniversaire de Michel… Après le carnaval mais avant que la neige soit là … !

Relater des évènements marquants suppose une décision collégiale, ne suppose pas une obligation régulière de rédaction. Seulement quand cela s’impose.

Panneau des responsabilités

Connu de beaucoup de classes maternelles, (parfois appelé tableau des charges) il sera imagé, coloré, incitant aux rangements (on sait combien il est compliqué de réunir des volontaires pour « ranger »). Des trios seront formés, un petit, un moyen, un grand, trios décidés par l’adulte qui connait les personnalités et a à cœur d’associer les « contraires ». Au moment des rangements une musique allègre surprendra tout le monde en train de s’activer. Ce signal agréable entraînera peu à peu un automatisme : on peut encore achever ce qu’on est en train de faire mais si le son augmente un peu, là on se met à ranger ; les aînés prennent les choses en main accompagnés de leurs coresponsables.

On sera, évidemment, attentifs à ce que les responsables ne soient pas taillables et corvéables à merci… Chacun range le matériel qu’il a utilisé mais les responsables vérifient, aident, incitent leurs pairs à s’impliquer. Si ceci est vécu dès 2ans1/2, 3 ans, les habitudes créées rendent ces responsabilités de plus en plus aisées.

Eugénie Eloy, avril 2012

eugenie.eloy chez live.be

VOIR le Prochain épisode : Au service d’un jardin d’enfance : Enrichissement matériel. Contraintes créatives. Projets.