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Deux logiques qui s’opposent...
Article mis en ligne le 2 septembre 2012
dernière modification le 14 mars 2023

par Michel Simonis

Le dépistage traque les symptômes.
Le repérage est attentif aux alertes.

Une mise au point de Philippe Meirieu. Après Mahdia, août 2012.

Quatrième volet

Complément à la grille de Philippe Meirieu

Philippe Meirieu m’a fait l’honneur de relire mon dossier avant que je l’envoie aux participants de Mahdia.

La grille que j’ai présentée dans mon atelier date de 1989, année de la publication de son livre "Apprendre... oui, mais comment ?", dont cette grille est extraite. Plus de 20 ans, ça compte ! Il était sans doute nécessaire d’avoir une mise au point plus contemporaine.

Les réactions des participants en début d’atelier étaient très explicite à ce propos et vont dans le sens de ce que Philippe Meirieu apporte comme nouvelles perspectives.

Voir l’avertissement "Réinterroger systématiquement toutes les classifications..." que j’ai placé en introduction (Document n° 1) qui me permet de nuancer et d’ajuster ce dossier.

Suite à ce que Philippe Meirieu m’écrit ce 24 août 2012, je vous partage ici quelques extraits de deux articles auxquels il m’a renvoyé. En vous recommandant chaudement d’aller lire les articles complets sur son site (www.meirieu.com)

 1. Ce 24 août 2012, Philippe Meirieu m’écrit...

 2. Richesses et limites du modèle médical en éducation
(Extraits)

 3. Dépister ou éduquer : faut-il choisir ?
Entre « management des différences » et pédagogie du sujet…
(Extraits)


Ce 24 août 2012, Philippe Meirieu m’écrit...

"Il me semble que le traitement de ce que je nommais “élève en difficulté” sous le seul angle technique (en “réparant” en quelque sorte les pièces abimées et en prenant le temps de faire “chauffer le moteur”), mais laissant de côté le projet (qu’on réserverait aux élèves en échec), est un peu dangereuse. Mais, ceci n’est qu’une hypothèse et je suis moi-même en recherche sur cette question."

"Je me permets de vous renvoyer à mon dernier ouvrage “Un pédagogue dans la Cité” qui aborde ces questions, ainsi qu’à quelques articles de mon site qui touchent à ces questions :

 http://www.meirieu.com/ARTICLES/GFEN_modele_medical.htm
 http://www.meirieu.com/ARTICLES/grilles_liberte.pdf
 http://www.meirieu.com/ARTICLES/bruxelles_depister.htm
 http://www.meirieu.com/ARTICLES/agsas_prealables.htm"

Philippe Meirieu
Professeur en sciences de l’éducation à l’université Lumière-Lyon 2
Vice président de la Région Rhône-Alpes délégué à la formation tout au long de la vie

http://www.meirieu.com


Quelques extraits de "Richesses et limites du modèle médical en éducation"

(Note de M. S. : c’est moi qui souligne certains passages en gras.)

On voit bien où passe la ligne de clivage entre le modèle pharmaceutico-médical (1) et le modèle pédagogique. (...) A l’opposé du modèle pharmaceutico-médical, il y a le refus de l’enfermement et le travail inlassable pour ouvrir des horizons, favoriser des découvertes, autoriser des choix, permettre l’émergence d’une liberté.

C’est à partir de cette ligne de clivage que j’ai tenté récemment de distinguer deux logiques qui s’opposent : celle du dépistage et celle du repérage. Le dépistage traque les symptômes. Le repérage est attentif aux alertes. (...) Le dépistage traite les déviances. Le repérage cherche les souffrances. Le dépistage s’obstine à débusquer les déficits et les dysfonctionnements. Le repérage cherche les atouts et s’interroge sur les ressources internes et externes à mobiliser. Le dépistage encadre. Le repérage accompagne. Le dépistage est dans la normalisation. Le repérage permet la découverte par le sujet de la normativité.
(...)

Tentons maintenant d’utiliser cette grille d’analyse pour travailler sur la notion-valise d’individualisation. (...) J’ai montré ailleurs [1] que les pratiques, dans ce domaine, renvoient à deux conceptions très différentes : le diagnostic a priori (qui relève de ce que j’ai nommé ici le modèle médico-pharmaceutique) et l’inventivité régulée (qui renvoie à ce que je considère comme une authentique démarche pédagogique).

Tandis que le béhaviorisme s’arcboute sur la formule « décrire pour prescrire », la vraie pédagogie fait, elle, le pari de « comprendre pour inventer ». La vraie pédagogie, en effet, s’efforce de trouver ce qui peut aider l’élève à se mettre en jeu, à « se mettre en je ». Et elle n’en finit pas d’explorer les conditions favorables pour cela, tout en sachant que la décision finale appartient toujours au sujet. Ce qui ne diminue en rien, bien sûr, la responsabilité de l’éducateur ! Tout au contraire ! On n’en a jamais fini de chercher des situations favorables et d’offrir des prises à l’élève pour qu’il apprenne et grandisse.

Faisons donc un travail d’analyse solide des pratiques afin de savoir ce qui se cache derrière les pratiques d’individualisation qui sont proposées ou mises en œuvre. Demandons nous systématiquement si ces pratiques participent d’une normalisation individuelle et d’un écrasement du sujet, ou si, au contraire, elles contribuent à son émancipation par les apprentissages. Telle est la première question. Fondatrice.

Ensuite, soyons lucide sur les « effets système » des dispositifs et, en particulier, sur l’utilisation qui peut en être faite pour faire sortir de l’école le traitement de la difficulté et de l’échec scolaire, le renvoyer aux négociations individuelles, voire au marché.

Il faut donc se demander impérativement, devant chacun de ces dispositifs "individualisés" : "Est-ce qu’ils accompagnent intelligemment les enfants pour qu’ils soient capables de devenir des élèves et bénéficient de l’école de manière équitable ? Est-ce qu’ils excluent ou est-ce qu’ils intègrent ? La réponse ne sera jamais simple à donner. Mais c’est préférable : les réponses simples à des problèmes complexes ne peuvent que soulever notre légitime suspicion !

Pour lire le texte entier :http://www.meirieu.com/ARTICLES/GFEN_modele_medical.htm

(1) PH. Meirieu propose d’explorer l’hypothèse que « Le modèle médical qui a, pendant toute une période, contribué au développement d’une pédagogie progressiste est devenu aujourd’hui un obstacle à celle-ci. »
On sait le rôle essentiel joué par les médecins dans l’histoire de la pédagogie, d’Itard à Montessori, de Claparède à Decroly et à Korczak.

Le postulat d’éducabilité est né dans le prolongement du paradigme médical (...). Ce paradigme médical a, au sein des débats éducatif du 20ème siècle, été utilisé de manière délibérément militante et combative : pour mettre en avant les « besoins » de l’enfant, son existence propre avec un corps et un esprit en mutation, et les exigences éducatives qui en découlent. Tout le courant hygiéniste, naturaliste, voire vitaliste, très présent au sein de la mouvance de l’Éducation nouvelle, prend là sa source.

Pourtant, il faut rester vigilant et ne pas faire d’une métaphore un modèle.

(...) En pédagogie, l’inflation du mot remédiation, et sa proximité avec le mot remède, induit une conception tout à fait inopérante. Elle laisse penser, en effet, que la remédiation se trouve dans le diagnostic comme une noix dans sa coquille, alors que la connaissance des problèmes n’est qu’un guide pour l’inventivité des méthodes, mais ne se substitue nullement à elle (...).

Le modèle pharmaceutico-médical nous enferme dans une conception de l’éducation qui évacue la complexité des interactions au profit d’un « enfant-machine » qui ne pourra jamais devenir un « enfant-sujet ».

Il y a bien là, en effet, une sorte d’envahissement de la pédagogie par le modèle médical dominant qui laisse entendre que comprendre comment ça marche permet toujours de savoir comment faire. Or, ce qui est vrai pour l’élaboration de grandes perspectives didactiques (qui ne peuvent, effectivement, être en contradiction avec les « lois du développement ») est faux au regard du statut de la décision pédagogique prise dans l’urgence et face à la complexité… et dangereux au regard des « effets système » qu’une telle manière de voir peut produire.


Extraits de "Dépister ou éduquer : faut-il choisir ?" Entre « management des différences » et pédagogie du sujet…

http://www.meirieu.com/ARTICLES/bruxelles_depister.htm

Note de M. S. : c’est moi qui souligne certains passages en gras.
Je ne résiste pas à la tentation de vous citer de larges extraits - Philippe Meirieu me pardonnera - tant j’y trouve de choses importantes à ancrer, à discuter ensemble et à diffuser à propos de ces questions primordiales des enfants "en difficulté", qu’on pourrait aussi appeler "enfants qui mettent les adultes en difficulté".
J’ai trouvé là un texte fondateur.
Bonne lecture.

"On peut prendre un par un les items d’une grille d’observation comme celle du « programme personnalisé de réussite éducative » (Conners) et montrer comment la réflexion pédagogique, à mille lieues de la logique de dépistage, s’attache à créer les conditions de l’émergence et du développement d’un sujet, pour qu’il soit capable d’attention et d’exigence apte à entrer en relation avec les autres, comme à comprendre et transformer le monde."

"On a décortiqué les questionnaires en regardant de près les différents items, (...) en se demandant ce qu’on peut mettre réellement derrière de telles expressions (...). Par exemple, dans les tests de Conners [2], il y a un item : « Ne finit pas les tâches qu’on lui demande de faire ». C’est une observation qui peut être instructive, mais à condition de sortir des catégorisations imposées par la grille : « pas vrai du tout », « juste un peu vrai », assez vrai », « très vrai ». Il vaut mieux se demander de quelle tâche on parle ? Qui lui demande de la faire ? Dans quelle situation ? Il faut s’interroger sur les exceptions positives, qui nous en apprennent toujours plus sur l’aide à apporter à un enfant que la comptabilisation de ses échecs… Bref, il est possible de ne pas simplement récuser en les diabolisant les interrogations des batteries de tests béhavioristes : on peut même s’en servir pour introduire une approche des singularités et retourner les velléités de classification en outils d’accompagnement personnalisé  : c’est la technique des arts martiaux dont nous ferions bien de nous inspirer plus souvent…

Bien sûr, la réification c’est la catégorisation, l’enfermement entomologique dans une classification, dans une « classe ». Pour autant, il n’est pas incongru de se demander si l’on pourrait faire exister du social sans classement, c’est-à-dire sans une forme de réification. Sans doute sommes-nous douloureusement mais inéluctablement condamnés, en éducation comme en médecine et en politique (les trois « métiers impossibles » de Freud), à la réification : nous ne pouvons pas « manager » les hommes sans les placer sous un signe qui nous permette de les regrouper. Impossible d’agir, dans la moindre institution, ou même seulement de concevoir une action avec des êtres humains, sans mobiliser des classifications. Sortir du chaos ne se conçoit pas sans une forme de triage. L’aglutinement indifférencié des humains ne se combat qu’en affectant des places : catégories, groupes et clubs, classes et typologies, appartenances et pathologies, classements et hiérarchies. Qui peut prétendre s’en passer ?

En réalité, nous-mêmes, qui dénonçons les étiquettes, les utilisons largement par ailleurs dans l’institution scolaire, universitaire et médicale. Nous sommes bien contents d’avoir nos étiquettes. Nos étiquettes nous rassurent, nous légitiment... ce sont elles qui nous autorisent à être là ce matin, ce sont elles qui, tout simplement, nous permettent de ne pas nous dissoudre dans l’indifférenciation (...). Paradoxe difficile pour le clinicien et le pédagogue : la réification structure notre univers et elle est, en même temps, mortifère (...). Comment faire avec des « diagnostics » dont nous connaissons le caractère éminemment précaire et dangereux, mais qui, d’une manière ou d’une autre, sont toujours là "avant", dans le simple fait d’accueillir quelqu’un, de l’identifier, de lui parler.

Ainsi, par exemple, nous disposons, en France, dans ce qu’on nomme « l’éducation spécialisée », à destination des enfants porteurs de handicaps ou de très lourdes difficultés psychologiques, de classifications qui permettent, d’une part, de leur proposer des programmes de travail et des dispositifs d’accompagnement adaptés, et, d’autre part, de préparer des éducateurs de manière spécifique à leur prise en charge : ces classifications sont extrêmement discutables, tributaires de toute une histoire, sujettes à des querelles de territoire néfastes… mais je ne vois pas comment on pourrait s’en passer. Nous avons besoin de pouvoir dire : « J’ai traité cette personne ainsi, parce qu’à tel moment et dans telle situation, en fonction des connaissances que j’avais et des moyens dont je disposais, c’est ce qui m’est apparu le meilleur… ». Mais nous devons absolument refuser de transformer en « identité » ce qui n’est qu’un moment, analysé à travers une grille de lecture discutable. Nous ne devons jamais faire de l’ontologie avec de la méthodologie. Et c’est là le point nodal, la ligne de fracture, le sens de notre véritable combat (...). Que tout classement soit provisoire et révisable. Que tout diagnostic puisse être réinterrogé. Et, surtout que nous ne renoncions jamais à inventer des situations par lesquelles le sujet peut se remettre en jeu, contre toute fatalité.

C’est cela, pour moi, la pédagogie : nommer sans réifier, identifier sans enfermer, antécéder sans anticiper, réguler sans régulariser. (...) La pédagogie sait qu’elle travaille dans des structures imparfaites, mais dont elle ne peut se passer.

(...) C’est pourquoi il est si important d’être attentif à ce que l’évaluation ne devienne jamais prescriptive. Impossible de considérer comme acquis que « ce qui a été sera ». Tout au contraire, notre travail est de faire mentir toute forme de fatalisme… Cela nécessite, dans le domaine qui nous occupe, de se dégager, comme le montre très bien Pierre Delion dans Tout ne se joue pas avant trois ans (1), de la tentation des explications faciles, mécanistes et monofactorielles. Un comportement humain, a fortiori un « résultat » scolaire, n’est jamais la conséquence d’un seul et unique facteur, qu’il soit interne (la fainéantise, un blocage psychologique ou une soi-disant absence de « don » !) ou externe (une pesanteur sociologique, une situation éducative mal construite, un environnement médiatique négatif ou, simplement, de « mauvaises influences » !). Tout comportement humain est polyfactoriel (...)

Et l’on aurait tort de croire, évidemment, que la polyfactorialité nous réduit à l’impuissance. (...) Elle ouvre une infinité de possibles parce que, justement, elle permet de jouer sur différents facteurs et de créer des situations nouvelles. La polyfactorialité suscite des propositions multiples de situations complexes : il ne s’agit plus de « redresser », de « corriger », ni même de « remédier », mais de créer de nouvelles conditions de développement qui permettent au sujet de trouver les prises nécessaires pour se mettre en jeu, s’engager, grandir. La polyfactorialité ouvre à l’intervention clinique comme au travail pédagogique, au contact avec les familles comme à la réflexion sur les conditions de vie, elle permet d’explorer des ressources qui ne sont pas, en elles-mêmes, des « ressources thérapeutiques », mais qui peuvent avoir des « effets thérapeutiques », comme le sport, la création artistique, la lecture, etc.

Cette démarche doit aussi nous amener à distinguer vigoureusement prédisposition et fatalisme. Nous ne sommes, contrairement à ce qu’on voudrait faire croire, ni naïfs ni obtus : nous savons qu’il existe des prédispositions. Mais nous savons aussi que, pour beaucoup de sujets (une grande majorité probablement, dans certains cas), ces prédispositions ne se manifestent pas… Et notre travail est justement là : dans la création de situations qui permettent que des prédispositions, naturelles ou sociales, à des comportements déviants ne se concrétisent pas. Prédisposition ne doit pas devenir prédestination… Et tout éducateur a là un deuil à faire important : renoncer à la jouissance de la prophétie. Pas facile, car nous adorons prophétiser, c’est un signe de notre pouvoir : prévoir pour montrer qu’on est plus fort, plus intelligent, plus près de Dieu ou de la science. Mais, prévoir l’avenir de l’autre, c’est tuer l’autre.

(Certes) il n’est pas possible de nier l’importance du contexte ou d’ignorer les déterminations et influences de toutes sortes qui pèsent sur les trajectoires individuelles. Ce serait même une vaste imposture : comment croire qu’un enfant né dans une famille immigrée, dont les parents sont au chômage et qui vit dans une cité à l’abandon peut « se prendre en charge » et « réussir à l’école » de la même manière qu’un fils de notaire, de médecin ou de professeur ?

À cet égard, la postulation abstraite du libre-arbitre cartésien – qui considère que tout homme a, quelles que soient les circonstances, le même pouvoir de dire non – est, pour l’éducateur, un aboutissement, non un a priori. Ce que le philosophe postule légitimement doit être construit pédagogiquement. C’est à nous de le faire émerger en ouvrant des espaces à l’investissement personnel et à l’engagement de la personne : « Je ne nie pas le poids des difficultés que tu trimbales, mais là, dans ce cadre et sur ces objets, tu peux agir… »

Ainsi, sommes-nous des êtres fragiles et paradoxaux : nous sommes contraints d’utiliser des classifications, mais nous devons interroger, en permanence, la légitimité de ces classifications. (...)

Je vous propose de nous aider à avancer en énonçant modestement ce que pourraient être une éthique du voyage et une pédagogie pour temps de crise.
Une éthique du voyage parce que nous autres, cliniciens et pédagogues, qui tentons d’être des éducateurs, ne pouvons espérer la tranquillité d’une installation sereine dans des institutions définitivement stabilisées : nous sommes toujours à bourlinguer, à rouler notre bosse dans des situations difficiles, voire impossibles. Comme tous les « pédagogues historiques » que j’ai pu étudier, nous sommes en permanence « en voyage » et, même, d’une certaine manière, en partance.

Refuser les mots-complices, les mots-entre-collègues, les mots définitifs, les mots qui tuent, même quand on prétend les utiliser avec humour. « Nul », « irrécupérable », « pas doué », « ne relève plus de l’éducation », « ne s’en sortira pas » : tout le monde a priori est d’accord pour se débarrasser de ce vocabulaire : et si on le faisait vraiment ?... Enfin, chercher les points d’appui : une des choses les plus terrifiantes dans les tests de Conners (voir plus haut et la note (1) c’est qu’ils ne sont constitués que d’items négatifs : « Fait des fautes d’inattention… », « Exprime de la répugnance à s’engager dans des tâches… », « Ne parvient pas à finir ce qu’il commence… », etc. Jamais on ne demande : « Sur quelles tâches parvient-il à se concentrer un peu plus ? », « Dans quelles conditions a-t-il moins de répugnance à travailler ? », « Qu’est-il parvenu à finir un jour ? », etc.

Ainsi, en se focalisant sur les dysfonctionnement, on se prive systématiquement de tout repérage de ce sur quoi l’on pourrait agir de manière positive et constructive. On se condamne à corriger, on s’interdit de mobiliser. On est dans une logique de la « remédiation » quand il faudrait être dans la logique de la « prévention »… Nommer sans obturer, refuser la complicité qui tue et toujours chercher à identifier ce qui peut nous servir de points d’appui pour agir : voilà, je crois, une éthique du voyage acceptable.

Mais, au-delà, de ces repères indispensables, il nous faut, aussi, construire une vraie pédagogie pour temps de crise. Nous ne partons pas de rien : depuis Pestalozzi jusqu’à Deligny, de Makarenko à Korczak ou à Oury, nous avons engrangé quelques savoirs de base… Créer le cadre, mettre en place les rituels qui permettent d’endiguer les pulsions et de faire émerger le désir… Construire des dispositifs afin d’aider chacun à apprendre à surseoir et à s’inscrire dans la temporalité… Mobiliser l’anthropologique, parler avec les enfants de ce qui les concerne directement (...).

Travailler "en projets" afin qu’en lieu et place de ces coagulations indifférenciées d’élèves qu’on voit errer dans les écoles et les établissements aujourd’hui, émergent des collectifs structurés qui permettent à chacun de savoir où il est, ce qu’on attend de lui et comment il peut se situer "en tant que…"… Évaluer, enfin, mais en s’exonérant de la hantise de la mesure. Évaluer, c’est donner de la valeur, ce n’est pas quantifier  : il nous faut sortir de cette illusion objectiviste de l’évaluation qui croit que noter c’est comme "peser" un travail avec des unités de mesure parfaitement calibrées : évaluer est une transaction pédagogique qui consiste à aider l’autre à se donner des défis pour satisfaire à de plus hautes exigences…

Lire le texte entier : http://www.meirieu.com/ARTICLES/ bruxelles_depister.htm